Derrière Barrette, envers et contre tous
Québec — Mine de rien, un geste susceptible d’avoir un impact important sur le résultat des élections générales le 1er octobre a été fait hier à l’Assemblée nationale, qui reprenait ses travaux suspendus depuis deux mois.
Philippe Couillard a donné un appui non équivoque à son ministre de la Santé, Gaétan Barrette. Pourtant, ce dernier essuie plus que jamais les tirs croisés de l’opposition. Depuis des semaines, même dans le camp libéral, des stratèges recommandent de mettre de côté le député de La Pinière, devenu un boulet pour le PLQ à l’approche de la campagne électorale. Roberto Iglesias, ami de Philippe Couillard, est de cet avis, mais il n’est pas le seul.
Tous les ingrédients étaient réunis, surtout avec un sondage Ipsos réalisé pour La Presse montrant que pour 70 % des Québécois, le réseau de la santé s’est détérioré depuis trois ans. En outre, 61 % des répondants – et 42 % des électeurs libéraux – jugent l’approche Barrette « intransigeante et arrogante ».
Or, pour Philippe Couillard, il faut plutôt parler de « la personnalité ferme et déterminée » du ministre Barrette, de sa « détermination d’agir pour les patients ». Des résultats sont là, dans les listes d’attente en chirurgie ou dans les urgences. « Ça, ça n’arrive pas sans quelqu’un qui a une force de caractère importante et qui est capable de bousculer certains lobbys parfois et aller directement agir pour les patients. »
Dans la dernière ligne droite de la session à l’Assemblée nationale, les rumeurs de départs de députés qui n’ont pas l’intention de solliciter un nouveau mandat se multiplient. Il faut dire qu’une loi récente y est pour beaucoup : un député qui ne termine pas son mandat n’a pas droit, hormis pour des raisons de santé, à son allocation de départ, soit, grosso modo, un an de salaire.
Les élus qui entrevoient les banquettes de l’opposition à la lumière des sondages prendront leur décision plus rapidement. Plus question de plier bagage quelques mois après son élection, comme l’avait fait Monique Jérôme-Forget – réélue en décembre 2008, elle avait quitté la vie politique avec son indemnité quatre mois plus tard.
Devant les sondages qui laissent prévoir une victoire caquiste, des députés libéraux ont déjà décidé de tirer leur révérence, même s’ils sont officiellement en réflexion : Pierre Reid dans Orford, André Drolet dans Jean-Lesage, comme Norbert Morin dans Côte-du-Sud. Guy Hardy dans Saint-François et Karine Vallières dans Richmond ont déjà annoncé leur départ.
Pierre Paradis ne sollicitera pas un autre mandat dans Brome-Missisquoi. D’autres annonces surprendront : tout indique que Jean-Marc Fournier, même élu dans le bastion libéral de Saint-Laurent, tirera sa révérence.
Une telle annonce permettrait à Philippe Couillard de rebattre les cartes au Conseil des ministres – on confie des ministères aux soldats qui reviennent au combat. Dans Lotbinière, région devenue difficile pour le PLQ, Laurent Lessard est toujours en réflexion, confie-t-on.
Les maires de la Rive-Sud de Québec se ligueront contre les libéraux – mauvaise nouvelle pour Dominique Vien dans Bellechasse. Dans Trois-Rivières, ce sont les militants libéraux qui souhaitent le départ du député Jean-Denis Girard, à couteaux tirés avec le maire Yves Lévesque.
Autre évidence, bien des attachés politiques libéraux regardent ailleurs. Ces dernières semaines, trois d’entre eux se sont trouvé des emplois aux communications au Canadien National.
Du côté du PQ, le mystère plane toujours sur la décision de Nicolas Marceau, dans Rousseau. Il a toujours un lien d’emploi comme professeur d’université et pourrait être tenté d’éviter une élection difficile dans Rousseau, devenu territoire caquiste.
Jean-François Lisée a fait ce qu’il avait promis au Conseil national : Véronique Hivon était en vedette, elle a fait le point de presse matinal, l’apanage habituel du chef. En outre, elle a posé la deuxième question de l’opposition, sur la santé, avant même la critique au dossier, Diane Lamarre.
Pour l’heure, les sondeurs restent circonspects sur l’impact de l’arrivée de la « vice-cheffe », ce genre de manœuvre prenant du temps à pénétrer l’opinion publique.
Jean-Martin Aussant était de passage à l’hôtel du Parlement. Mais la piste d’atterrissage du fiduciaire de l’option souverainiste est partie en fumée, en raison d’une gaucherie évidente chez les stratèges. Nicole Léger ayant annoncé trop tôt qu’elle laisserait Pointe-aux-Trembles, un aspirant candidat, Maxime Laporte, s’est pointé. Rien ne pourra le freiner désormais. M. Aussant a beau reluquer avec envie Bourget, l’autre bastion péquiste, Maka Kotto n’a aucune intention de céder son siège.
Conséquence des sondages constamment négatifs, Jean-François Lisée paraît de plus en plus irritable – à Radio-Canada, il y a deux semaines, il lançait sans détour à l’intervieweur Michel C. Auger : « Vous dites que cela va mal. Moi, je dis que cela va bien ; acceptez ma position ! » En fin de semaine dernière, outre la gaffe sur la moustache de Manon Massé, Lisée n’entendait manifestement pas à rire avec les animateurs de La soirée est (encore) jeune, qui répètent ad nauseam, selon lui, que le PQ est moribond.
Pendant ce temps, à la Coalition avenir Québec, on marche sur un fil de fer. Une promenade qui durera huit mois ! Les vedettes vont sortir moins souvent du chapeau – les candidats encore dans l’antichambre ont surtout une notoriété locale, comme le frère de Julie Boulet, pressenti dans Trois-Rivières.
François Legault ne voulait pas dévier de son « plan de match » hier – ses questions ont porté sur les changements à venir aux taxes scolaires. En point de presse, toutefois, il s’en est pris au gouvernement « Couillard-Barrette », la formule était trop tentante.